Sous la lune du Sureau : à la rencontre de Frau Holle

Pour mes recherches de la lune liée au Sureau dans la tradition Faerie Faith, je me suis intéressée à Frau Holle.

En réalité, c’est une figure qui me suit depuis de nombreuses années et avec laquelle j’ai tissé des liens dès mes tout débuts au sein de cette tradition. Si cela est possible, j’aimerais les approfondir encore davantage tout au long de cette nouvelle année sorcière. Bien que je n’aurai sans doute pas autant de temps à lui consacrer que je le voudrais, j’essaierai d’être régulière malgré tout.

Voici un aperçu très rapide qui vous donnera peut-être envie d’en savoir plus sur Dame Holle et aller à sa rencontre.  J’essaierai de faire un ou deux autres articles rapides sur Dame Holle, notamment sur le sureau noir.

Car il est impossible de parler de Frau Holle sans le mentionner ! Le sureau est la plante qui lui est le plus intimement liée.

Fleur de Sureau, Ruis 2025.

Illustration : « Frau Holle » Mixed media Illustrations by Catrin Welz-Stein.

Frau Holle

Vous connaissez sans doute le personnage de conte repris par les frères Grimm. Frau Holle est aussi une figure du folklore germanique et une ancienne divinité préchrétienne.
Les récits traditionnels lui attribuent des aspects à la fois bienveillants et sévères : elle récompense les personnes travailleuses, punit les paresseuses et entretient un lien symbolique avec les phénomènes naturels, comme la neige qu’elle fait tomber en secouant ses oreillers. Dans plusieurs études mythologiques, elle apparaît comme une figure ambivalente, présente aussi bien dans le monde d’en haut que dans le monde d’en bas, associée à la fois aux vivants et aux morts. Cette dualité en fait une figure singulière dans l’imaginaire germanique, où les limites entre vie et au-delà semblent plus perméables.

Le nom Holle vient des racines ouest-germaniques (hold, holda, holde), attestées en vieux et moyen haut allemand, et non de la mythologie scandinave. L’appellation Mother Hulda, Mère Hulda, est une traduction ou adaptation anglaise qui peut créer une confusion : Hulda évoque clairement la Scandinavie ou la figure biblique, alors que Holle reste propre au folklore allemand.

Holle n’est donc pas issue du panthéon nordique, mais bien du panthéon germanique.

Les noms de la Déesse

Etudiée au XIXᵉ siècle par Jacob Grimm et par d’autres chercheurs tels que Karl Paetow, Wilhelm Mannhardt et Johann Wilhelm Wolf. Elle apparaît sous de nombreux noms dans les régions germanophones et est souvent associée à Wodan, le père des dieux, tandis que Perchta, figure proche, est liée aux coutumes du Nouvel An.

Le christianisme a influencé la perception de ces croyances, et les interprétations divergentes des chercheurs rendent l’identité de Frau Holle complexe et incertaine.

Thème Informations essentielles
Origine linguistique & sens ancien
    • Issu de l’adjectif germanique hold (OHG/MHG) : « bienveillant, fidèle, miséricordieux ».
    • Holda/holde désigne un esprit féminin bénéfique ou servante loyale.
Folklore & usage populaire
    • Frau Holle secoue ses oreillers → il neige.
    • Dans les contes Grimm, elle est gardienne du foyer, récompense les travailleuses et punit les paresseuses.
    • Aujourd’hui, l’expression est utilisée pour dire « il neige ».
Étymologies néerlandaises & bibliques
    • Nom lié à huld/hold = « loyal ».
    • Également associé à la prophétesse biblique Hulda.
Lien nordique/danois
    • Hulda rapprochée de huldre, terme lié aux elfes.
Recherches savantes
    • Jacob Grimm : hulþô (fém.), hulþα (masc.) vs unhulþ (« démon ») → possible caractère hermaphrodite.
    • Burchard von Worms : Holda latinisé, déesse païenne.
    • August Schrade : rapproche Holle de Frigga, Erda, Hludana, Perahta, etc.
    • Laurentius Knappert  : Hludana = déesse de la terre.
    • Wolfgang Golther : Holle = Hludana = Hlodyn → déesse liée à la terre ou au feu du foyer.
    • Paul Hermann : Holle ≈ Frija, épouse de Wodan. Racine prija épouse, aimée »). Lien avec le vendredi (Freitag/Friday), jour consacré à Frija/Frigg.

Certains auteurs ont tenté de l’associer à Freya, mais cette identification reste contestée. La plupart distinguent en effet Freya, sœur de Freyr, de Frija/Frigg, l’épouse de Wodan.

Perchta et les figures associées

Perchta est une figure complexe, à la fois variante régionale de Frau Holle et personnage autonome. Elle incarne la fertilité, la surveillance des travaux domestiques et les rites hivernaux, tout en ayant été transformée par le christianisme en une figure ambivalente, mêlant bienveillance et menace.

Les chercheurs divergent sur son origine : s’agit-il d’une déesse germanique ancienne ou d’une création médiévale liée à l’Épiphanie.

Ses traits communs avec Holle :

    • Toutes deux sont liées au filage, aux récompenses et punitions, à la fertilité des champs, aux processions hivernales et à la chasse sauvage.
    • Leur image oscille entre bienveillance (apporte la prospérité, gardienne des enfants) et menace (punitions, aspect terrifiant).
    • Le christianisme a contribué à leur démonisation, transformant des divinités païennes en figures de superstition.

Christianisation, de Frau Holle et Perchta à la vierge Marie

Les figures païennes de Frau Holle et de Perchta, très présentes dans les traditions d’Europe centrale, ont résisté à la christianisation et se sont peu à peu fondues dans l’univers chrétien. Dès le XIIIᵉ siècle, l’Église se plaint que les jeunes prient davantage Perchta que la Vierge Marie, et jusqu’au XVe siècle elle menace de sanctions ceux qui continuent à déposer nourriture et boisson pour la déesse du solstice. Des témoignages montrent que certains affirmaient voyager avec Holle lors de la Chasse sauvage ou pénétrer dans sa montagne sacrée.

Pour contrer ces pratiques, l’Église tente de récupérer et transformer ces figures. C’est ainsi qu’apparaît la sainte Hulda (Sainte-Hoïlde) de Troyes, patronne des eaux, dont la fête tombe à Walpurgis.

Jacob Grimm, au XIXᵉ siècle, souligne la profondeur des racines linguistiques et mythologiques de Holle et Perchta, et leur lien avec les fêtes de Noël et du Nouvel An. Il observe aussi que plusieurs traits de ces déesses ont été transférés à Marie, notamment dans les coutumes du samedi, appelé parfois « jour de Frau Holle », ou dans les légendes liées aux puits et aux enfants.

Au XIXe, certains voient en Holle une survivance païenne absorbée par le christianisme, tandis que d’autres, pensent au contraire que Holle n’est qu’une imitation des récits mariaux. Les exemples abondent de syncrétisme :

    • puits sacrés transformés en chapelles dédiées à Marie,
    • légendes autour de la neige attribuées tantôt à Hilde, tantôt à la Vierge,
    • récits d’enfants nourris et protégés par une femme bienveillante dans des mondes souterrains.

Une confrontation prolongée, suivie d’une fusion progressive, s’est donc opérée entre les cultes populaires de Holle et de Perchta et la figure chrétienne de la Vierge Marie, illustrant la manière dont les traditions païennes ont été absorbées, transformées ou réinterprétées au fil des siècles.

De la vision romantique aux perspectives modernes

Frau Holle apparaît sous une grande variété de noms (Holle, Holda, Hulda, Perchta, Frigg, Frija, Freya, Nerthus, etc.), témoignant de traditions régionales et temporelles diverses.

Assimilations simplificatrices du XIXᵉ siècle

Les chercheurs romantiques du XIXe siècle considéraient les tribus germaniques comme un seul peuple avec une religion commune. Ils utilisaient les sources nordiques (vikings) pour interpréter l’ensemble du monde germanique, ce qui menait à des assimilations simplificatrices (par ex. Holle comme épouse de Wodan).

Critiques et apports des recherches récentes (Motz, Schmidt, Wilson)

La recherche moderne (histoire, archéologie, linguistique, philologie) montrent que le terme « germanique » désigne un ensemble de peuples distincts partageant seulement certaines caractéristiques linguistiques et ethniques minimales.

L’utilisation des sources nordiques anciennes pour expliquer les croyances anglo-saxonnes, comme le critiquait le cherche britannique David Wilson, est désormais considérée comme erronée, car elle ignore les différences de temps et de contexte.

Lien possible avec Nerthus et influences celtiques

La philologue américano-autrichienne Lotte Motz propose que la déesse terrestre Holle pourrait dériver de Nerthus, décrite par Tacite, mais Holle s’est transformée au fil du temps et a pu intégrer des aspects des déesses vikings Frigg et Jord.

Les liens supposés entre Holle et la déesse viking Hel sont rejetés : les termes associés à Holle renvoient à la lumière et non à l’au-delà.

Mais l’idée que Holle serait l’épouse de Wodan, avancée par des chercheurs du XIXᵉ siècle, n’a aucun fondement scientifique.

Enfin, Holle pourrait également présenter des traits celtiques, car les Germains ont assimilé certains éléments de la culture celtique, comme le souligne Michael Schmidt (1999).

Malgré les avancées scientifiques, les anciennes interprétations restent populaires hors du milieu académique, faute d’une bonne diffusion et accessibilité aux recherches récentes. De plus, la disparition progressive du folklore vivant (après la Seconde Guerre mondiale, migrations, médias modernes) a contribué à réduire l’intérêt populaire.

En résumé, les recherches récentes déconstruisent la vision romantique d’une religion germanique uniforme. Holle est désormais comprise comme une figure complexe, issue de traditions variées, probablement liée à Nerthus, une déesse terrestre et lumineuse, et transformée au fil des siècles, avec des influences nordiques et peut-être celtiques.

Sources :

  • GardenStone. (2011). Goddess Holle: In search of a Germanic goddess. Mother Hulda in fairy tales, sagas, legends, poetry, tradition and mythology (M. L. M. Hitchcock, Trans.). Books on Demand.
  • https://www.etymonline.com/word/hold
  • https://en.wikipedia.org/wiki/Hludana
  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Dame_Holle
  • https://en.wikipedia.org/wiki/Frau_Holle
  • https://www.grimmstories.com/fr/grimm_contes/dame_hiver_dame_holle
  • https://grimm-reecritures.msh.uca.fr/frau-holle-das-marchen-von-goldmarie-und-pechmarie

Auteur/autrice : Fleur de Sureau

Installée au cœur de la forêt, je cultive une pratique sensible et inspirée, en dialogue avec le vivant et les rythmes du monde naturel.

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