Bendis, déesse thrace de la lune et de la chasse

Pour ce nouveau mois lunaire, j’ai effectué quelques recherches sur Bendis, la déesse thrace de la lune et de la chasse. Il n’existe pas énormément d’informations sur cette divinité, mais voici les éléments que j’ai commencé à rassembler et à mettre en forme.

Origines et assimilation grecque

Nom grec : Βένδις
Translittération : Bendis
Nom latin : Bendis

Bendis était une divinité thrace liée à la lune et à la chasse.  Elle était vénérée particulièrement dans le sud-ouest de la Thrace, dans les vallées des fleuves Strymon, Nestus et Axius, ainsi que par les Bithynes, une tribu thrace installée en Anatolie. Elle était également connue sous d’autres noms et épithètes : Kottyto, Hipta ou Hippa, et Perke (« rocher » ou « sommet de montagne »).

Elle a été intégrée au panthéon athénien à partir du IVᵉ siècle av. J.-C. Les Grecs assimilèrent Bendis à Artémis, et parfois à Hécate, Séléné ou Perséphone, en fonction des aspects de sa divinité (lune, chasse, aspects chthoniens ou protecteurs).

En dehors des régions adjacentes à la Thrace, le culte de Bendis n’a pris de l’importance qu’à Athènes.

Son épithète dílonkhos (du grec διλόγχος) signifie littéralement « à deux lances » ou « portant deux lances ». En effet, elle est traditionnellement représentée tenant deux lances, symboles de sa fonction double : l’une pouvant être liée au ciel et l’autre à la terre, ou à ses deux lumières, la sienne propre et celle provenant du soleil.

Un temple lui était consacré à Athènes, et des fêtes en son honneur, appelées les Bendidies (Bendideia), se déroulaient peu avant les Panathénées. Ces célébrations, parfois tumultueuses, évoquaient les Bacchanales.

Selon Fol Alexander et Ivan Marazov (Thrace & the Thracians), l’étymologie la plus plausible de l’épithète Bendis renvoie à la racine indo-européenne bhendh, signifiant « lier, unir, combiner », ce qui suggère que la Grande Déesse était associée à la protection du mariage. Elle personnifiait le ciel et la terre, source de vie et ancêtre de l’humanité.

« Datation d’une plaque en bronze représentant Bendida/Bendis à Abritus, en Bulgarie. Selon les sources, la plaque serait datée soit vers 400 av. J.-C., soit vers 100 ap. J.-C. »

Culte et temple

Au déclenchement de la guerre du Péloponnèse, les Athéniens autorisèrent la fondation d’un sanctuaire pour la déesse Bendis.

Ce sanctuaire, le Bendideion, fut fondé sur la colline de Munychia, dans le port du Pirée, à proximité du temple d’Artémis Munychia et du sanctuaire des Nymphes. Les inscriptions attestent que les Athéniens autorisèrent les Thraces à acquérir le terrain pour y établir le sanctuaire, conformément à l’oracle de Dodone.

Peu de temps après, un festival public fut institué, les Bendideia, en son honneur. La première célébration eut lieu le 19ᵉ jour de Thargélion (mai–juin), en 429 av. J.-C., au Pirée, le port d’Athènes.

Le culte de Bendis fut donc officiellement reconnu à cette période.

Festival des Bendideia

Ce festival est décrit dès l’ouverture de La République de Platon, par le récit de Socrate.

Le festival des Bendideia, célébré peu avant les Panathénées, comprenait :

  • deux processions distinctes (une athénienne et une thrace au Pirée),
  • une course nocturne de torches à cheval,
  • des veillées nocturnes avec banquet et festivités.

Ces célébrations permettaient aux Thraces résidant à Athènes (esclaves, métèques, mercenaires) d’exprimer leur identité ethnique tout en respectant les lois athéniennes, comme l’atteste un décret de 240/239 av. J.-C. sur la coopération entre groupes de Thraces (orgeones).

Les Bendideia impressionnaient les Grecs. Une procession partait d’Athènes vers le sanctuaire des Nymphes au Pirée, où l’on sacrifiait une truie, symbole de fertilité. Ce rituel rappelle celui de Perséphone, où le sang du porc féconde le blé. Les offrandes des femmes thraces et péoniennes à Artémis la Reine, enveloppées de paille, soulignent les liens entre les cultes grecs et thraces de la Déesse Mère. Un squelette de porc retrouvé dans une tombe thrace de l’âge du bronze pourrait confirmer l’ancienneté de ces pratiques.


« Bendis, Apollon et Hermès, cratère campaniforme à figures rouges apulien, IVᵉ siècle av. J.-C., Museum of Fine Arts, Boston »

Iconographie et symbolisme

Bendis est représentée comme une déesse‑chasseresse portant :

  • un chiton (tunique courte)
  • parfois des bottes hautes
  • parfois un manteau animal, typiquement une peau de renard ou un vêtement similaire.
  • souvent un bonnet phrygien à pointe, symbole distinctif attesté sur plusieurs reliefs thraces et grecs.

Un de ses attributs principaux est :

  • la lance, ou la « double lance », dilonkhos, soulignant sa fonction de chasseresse (et son lien avec la lune) et, dans certains contextes, de protectrice.

Elle peut également tenir un patera ou un récipient rituel, utilisé pour recueillir le sang des sacrifices d’animaux.

Dans certaines représentations, Bendis est associée au croissant de lune, qui peut être placé sur ses cheveux ou sur son couvre-chef, symbolisant son lien avec le domaine lunaire et rapprochant son iconographie de celle de Selene ou d’Hécate. Ce motif n’est cependant pas systématique et varie selon l’époque et la région.

Selon le contexte, elle pouvait également porter torches ou branches.

Bendis possédait une double nature :

  • Bendis vierge : chasseresse, déesse du foyer et de la nature sauvage, parfois représentée avec un chien et armée d’arc et flèches, ou de ses deux lances (dílonkhos). Elle présidait aux rites d’initiation et aux guerriers.
  • Bendis matrone : protectrice du mariage, mère nourricière, symbole de fertilité et de la continuité de la royauté. Elle était représentée avec un vase et un rameau fleuri, et ses attributs soulignaient sa fonction de déesse créatrice et une pacificatrice.

Dans certaines représentations, les deux formes étaient combinées, traduisant sa nature transitoire et multifonctionnelle, parfois assise sur un lion ou lionne, reflétant l’influence iconographique de Cybèle. Sous l’influence gréco-romaine, Bendis pouvait être identifiée à Artemis, Diane, Perséphone, Séléné, Phosphoros et Hécate.

Bendis et ses adorateurs, peut-être des athlètes prenant part à la lampadédromie en l’honneur de la déesse. Relief votif en marbre, production athénienne, vers 400-375 av. J.-C. Réputé provenir du Pirée, plus probablement de la région d’un temple de Bendis à Munichie.

Bendis et Kotys

Bendis et Kotys peuvent être parfois confondues.

Kotys (ou Cotys) est une déesse thrace associée à la nuit, à la lune, à la frénésie rituelle et à l’impudeur. Son culte, originaire des Édones autour du mont Pangée, s’est diffusé de la Thrace à la Phrygie, puis à Athènes, Corinthe, la Sicile et Rome.

Comme Bendis, elle incarne des aspects marginaux et nocturnes, et ses cérémonies, les Kotytia, se rapprochent des rites orgiaques et de la transe, avec danses, cris, tambours et instruments à cordes stridents. Kotys représente une féminité sauvage, liée à la sexualité, à l’ivresse sacrée et à la transgression des normes sociales.

Peinture sur vase grec représentant une déesse, probablement Bendis ou Kotys, vêtue à la thrace, s’approchant d’Apollon assis. Kratère en cloche à figures rouges par le Peintre de Bendis, vers 380–370 av. J.-C.
Artémis Bendis, statuette en terre cuite hellénistique — vers 350-300 av. J.-C. — conservée au Louvre.

Bibliographie

Sources en ligne

Sources imprimées / académiques

Auteur/autrice : Fleur de Sureau

Installée au cœur de la forêt, je cultive une pratique sensible et inspirée, en dialogue avec le vivant et les rythmes du monde naturel.

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