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Les deux courants de la Wicca Dianique : Dianic Covenstead & Feminist Wicca

Les mouvements féministes, gays et écologistes ont contribué (non sans mal) au développement de la wicca américaine ainsi qu’à celui du reste du néopaganisme. Une étude de cas significative de ce phénomène, permettant de montrer à quel point il a pu mettre à l’épreuve les principes œcuméniques définis par le Conseil, peut être faite en étudiant la fondation de la tradition Dianic Wicca, Z. Budapest et Morgan Mc Farland. Le terme Dianic Wicca recouvre aujourd’hui un grand nombre de groupes, que l’on peut rassembler en deux tendances principales. : Feminist Wicca (issue de Budapest) et Dianic Covenstead (tendance McFarland).

Comme son nom l’indique, Z. Budapest est d’origine hongroise. L’arbre généalogique de sa famille remonte à 1270. Il y a toujours eu des herboristes dans sa famille ; plusieurs de ses ancêtres étaient guérisseurs, et son père, médecin, tenait également une pharmacie-herboristerie. Budapest se souvient de sa mère prédisant l’avenir, entrant en transe et en communication avec les morts. Sa mère était artiste et son art témoignait, d’après Budapest, d’influences sumériennes. Elle décorait ses céramiques de motifs représentant l’arbre de vie, de symboles floraux (1), etc. Elle utilisait des incantations et, dit Budapest, « arrêtait le vent ». Elle décrivait ces pratiques comme peasant, et non pagan (il se trouve les deux notions — paysan et païen — sont désignées par le même terme en hongrois).

La famille émigre aux États-Unis après l’insurrection de 1954 pour fuir la répression soviétique. Budapest est encore adolescente. En arrivant à New York, elle prend conscience qu’il y règne une forme d’oppression : les fondations Ford et Rockfeller octroient des bourses d’études aux enfants des réfugiés hongrois, mais l’essentiel des fonds est distribué aux garçons ; les filles comme Budapest doivent travailler pour pouvoir bénéficier d’études secondaires. Dans ces conditions, les études universitaires sont hors de question. Budapest devient donc serveuse. Elle se marie et élève ses deux enfants, tout en continuant à travailler. Au bout de douze ans d’une vie harassante, Budapest fait une tentative de suicide. Alors, elle a une vision, et se remémore qu’elle est une sorcière : « j’ai recouvré mon authentique perspective de sorcière, et me suis souvenue qu’une sorcière envisage toujours la vie comme un défi », explique-t-elle. Budapest décide de tourner la page et part en auto-stop pour Los Angeles. Elle y découvre dans un journal l’annonce d’une manifestation d’un groupe féministe, le Women’s Liberation Movement, et décide de se joindre au groupe qu’elle rencontre à cette occasion. Budapest commence alors à parler de la Déesse à ces femmes. Elle leur communique son savoir sur les coutumes païennes qui ont survécu en Hongrie, et qui y ont perdu pour la plupart des Hongrois (mais pas pour elle) toute signification religieuse. Puis elle entreprend la lecture de toute la littérature disponible sur le culte dianique, en particulier les œuvres de Leland et de Murray, et tient ses premiers sabbats avec quelques femmes de son groupe. Un jour du solstice d’hiver 1971, à Vénice (Californie) un coven est créé. Les femmes du groupe le nomment le « Susan B. Anthony Coven n° 1 » (2).

Au début des années quatre-vingt, Z. Budapest transmet la direction de ce premier coven à la Grande-Prêtresse Ruth Barrett, qu’elle a initiée, et part pour Oakland où elle fonde un deuxième coven. Barrett change le nom du coven initial, choisissant de le nommer Circle of Aradia. Budapest donne à son second coven l’ancien nom du premier. À Oakland, elle fonde et dirige un centre de formation — Le Women’s Spirituality Forum — qui se fixe comme objectifs de faire connaître et d’amener au culte de la Déesse les membres de mouvements féministes et écologistes, et de restaurer (ou plutôt d’instaurer) la paix et la justice aux États-Unis. Le centre organise des congrès auxquels des féministes qui sont aussi des figures importantes du néopaganismes, comme Merlin Stone, Starhawk, Diana Paxton, Margot Adler et Budapest elle-même sont invitées à prendre la parole (3).

Alors même que Z. Budapest fonde le Suzan B. Anthony Coven n° 1 à Venice, un autre coven dianique est créé à Dallas, Texas (c’est-à-dire en pleine Bible Belt) par Morgan McFarland et Mark Roberts. McFarland avait passé son enfance en Orient où son père était un missionnaire protestant, puis elle s’était installée dans le sud des États-Unis, où elle avait été initiée dans un coven local ne se réclamant d’aucune tradition particulière et se dénommant simplement Witchcraft (4). Néanmoins, les rituels de ce coven étaient très inspirés de Graves, mettant l’emphase sur le culte de la Lune et sur les Mystères des treize mois lunaires et leur relation avec l’alphabet Beth-Luis-Nion de la Grande-Bretagne archaïque dont parle Graves. Quelques mois plus tard, McFarland lançait un magazine néopaïen éphémère, The Harp, avant de sortir de l’ombre et de créer un premier groupe néopaïen appelé The Seekers (La Quête) en 1972. Ce groupe publie une revue intitulée The New Broom (littéralement : ,nouveau balai). The Seekers devient bientôt un coven dianique mixte. Il est suivi d’un deuxième coven, réservé aux femmes, puis le groupe commence à essaimer.

Dianic Wicca est aujourd’hui l’une des branches les plus actives du néopaganisme wicca. Les adeptes de Dianic Wicca considèrent le véritable Craft comme une religion de femmes. Alors que la plupart des membres de la wicca reconnaissent Gardner comme leur père spirituel et respectent le principe de la double polarité masculin-féminin, les sorcières dianiques ne veulent reconnaître que Diana, celle de Murray, mais surtout celle de Leland, et aussi la Diane/Artémis des Romains et des Grecs. Le culte dianique des États-Unis est le culte de la Déesse, source de toute vie, source du féminin et du masculin, et comportant en elle des aspects du masculin et du féminin. Il y a là des échos de Graves, de Frazer, des théories de Jung et surtout de Neumann*. Chaque création de la Nature étant un enfant de la Déesse, ce culte se considère comme panthéiste, bien que les rituels soient consacrés uniquement à la Déesse : celle-ci est d’ailleurs célébrée sous trois aspects différents correspondant aux trois âges du féminin : Maiden-Creatrix (5), Great Mother (la Grande Mère) et Old Crone (la Vieille Femme), cette dernière détenant les clefs des portes de la mort et de la renaissance.

La plupart des covens dianiques sont composés exclusivement de femmes, mais ce n’est pas toujours le cas dans la tendance MacFarland. Comme les covens exclusivement féminins, les covens mixtes ont une approche strictement féministe en toute chose. Dans chaque cercle, la Grande-Prêtresse représente la Déesse. Elle est assistée lors des rituels par une très jeune fille, et parfois, dans les covens mixtes, par un Grand-Prêtre qui reconnaît son autorité. Le Grand-Prêtre et la jeune fille représentent l’époux et l’enfant de la Déesse. Cet époux entretient avec la Déesse le même type de relation qu’Osiris à Isis. Pour illustrer cette relation, les membres de Dianic Covenstead citent une phrase attribuée à Bachofen : « Immortelle est Isis, mais mortel est son époux, tout comme la création terrestre qu’il représente. » McFarland en est la Grande-Prêtresse et Mark Roberts son Prêtre. Dans cette tradition, ce sont toujours les femmes qui choisissent le prêtre, et celui-ci est révocable à tout moment. Les hommes y sont en position d’infériorité, mais, comme le dit Roberts (cité par Adler, 1997 : 124), « Je préfère être second sur un navire solide que capitaine d’un navire dont la coque est pourrie et qui ne va pas tarder à sombrer, ce qui est le cas du patriarcat. »

D’après Melton (1988 : 1220), certains covens dianiques croient à la parthénogenèse. Cette croyance se révèle aujourd’hui en quelque sorte en passe d’être légitimée par la découverte d’une technique particulière de procréation assistée : le clonage humain à partir d’une cellule maternelle.

Si MacFarland fut initiée au Witchcraft avant de devenir féministe, il est clair que Budapest était déjà féministe avant de devenir une sorcière féministe de la branche wicca et de fonder uncoven et la tradition Dianic Wicca. Mais il est également vrai qu’elle peut prétendre avoir été avant tout sorcière, par tradition familiale — une tradition que Bonewits qualifierait de « classique ». Il semble aussi que sa mère ait pratiqué ce que Bonewits appelle sorcery. Elle a recueilli en héritage — par imprégnation (c’est-à-dire sans bénéficier d’un enseignement systématisé) — certains savoirs magiques, transmis oralement et par l’exemple, de génération en génération. Dans cette tradition familiale, les rituels sont réduits au minimum. Ce qu’il reste de religieux dans cet héritage est également très simple et réduit au minimum. Il n’y a pas d’initiation à proprement parler. Il s’agit d’un savoir presque réduit au savoir-faire, un craft. Le contact avec le mythe ou la religion wicca importés d’Europe via Gardner et al. se fait dans un deuxième temps. Et ce, par l’intermédiaire de la lecture de la littérature wicca et non par initiation. S’ensuivent la création d’une tradition, avec l’adoption d’un mythe, de nouvelles structures, des initiations, et des rituels de plus en plus élaborés concernant non plus un individu, mais tout un groupe, qui y trouve une cohésion : il s’agit maintenant d’une religion – mais d’une religion assez éloignée des principes de la wicca tels que définis par le Council of American Witches, et cette particularité va créer de nombreux remous au sein du Craft étasunien.

(1) Sans doute s’agit-il de l’arbre huluppu et de la rosette d’Inanna, dont le mythe sera résumé ci-dessous. cf. Inanna, Queen of Heaven and Earth (Her stories and Hymns from Sumer) de Diane Wolkstein et Samuel Noah Kramer (1984), ouvrage que nous avons traduit en 1996.

(2) Susan Brownell Anthony (1820 – 1906) était une des figures éminentes du mouvement féministe américain du XIXe siècle ; elle s’est battue pour QUE le droit de vote soit accordé aux femmes.

(3) Ce récit est emprunté à Adler, 1997 : 76-77. Le groupe de Z. Budapest devient célèbre lorsque la « sorcière » féministe, qui utilisait le tarot, tombe en 1975, à Los Angeles, dans un piège tendu par une femme policier qui lui avait demandé de tirer les cartes et l’avait prise en flagrant délit. Budapest refusa de payer discrètement une amende et de retourner à ses activités occultes dans sa petite boutique qui avait pignon sur rue, comme le fon habituellement les centaines d’autres personnes arrêtées pour le même motif. Au contraire, elle proclama que son activité divinatoire était liée à sa religion. Elle fut arrêtée et emprisonnée, passa en jugement et fut condamnée, pour avoir enfreint la loi de Los Angeles, à payer une lourde amende. De nombreux témoins, dont les anthropologues avaient pourtant été cités par la défense, dont le slogan était « Hands off Wimmin’s Religion » (« On ne touche pas à la religion des Femmes. »)

(4) Les sources divergent quant au milieu professionnel de McFarland : Melton (1988 : 1220) en fait une journaliste, alors qu’Adler (1997 : 124) dit qu’elle a d’abord été mère au foyer, puis a donné des conférences sur le féminisme et le witchcraft, pour finir par monter un commerce florissant de plantes et de vannerie.

(5) Cet aspect de la déesse (que l’on pourrait traduire par « la Jeune Fille Créatrice ») est celui que célèbre le groupe néopaïen non wicca Feraferia, étudié ultérieurement.

Les 13 étapes vers la maitrise intérieure

Auteur inconnu, traduction Fleur de Sureau.

1. J’honore l’énergie du bouleau, pour un nouveau départ. Je suis capable de me transformer comme je le veux. Ainsi soit-il !

2. J’honore l’énergie du sorbier, pour la protection contre les maléfices. Je ne resterai pas enchaînée à mes erreurs passées. Ainsi soit-il !

3. J’honore l’énergie de l’aulne, pour la protection de mon oracle intérieur. J’écouterai la voix de la Déesse intérieure. Ainsi soit-il !

4. J’honore l’énergie du saule, pour mes rythmes lunaires, en tant que femme. Je reconnaîtrai et tiendrai compte des cycles de mon corps. Ainsi soit-il !

5. J’honore l’énergie du frêne, le bâton du magicien. Je reconnaîtrai que « ce qui est ci-dessus est comme ce qui est ci-dessous », je joue un rôle sur un plan plus global des choses. Je relierai mon monde intérieur à mon monde extérieur. Ainsi soit-il !

6. J’honore l’énergie de l’aubépine, pour la purification et la modération. Je choisirai ce qui pénètre mon corps et ferai le vide de tout ce qui porte atteinte à mon bien-être personnel. Ainsi soit-il !

7. J’honore l’énergie du chêne, la porte des mystères. Je ferai appel à la force du Cornu lorsque je ressentirai le besoin de protection. Ainsi soit-il !

8. J’honore l’énergie du houx, la lance du guerrier. Je ne resterai pas passive ni victime, au contraire je choisirai de combattre pour ma liberté. Ainsi soit-il !

9. J’honore l’énergie du noisetier, l’arbre de la sagesse. Je tiendrai compte de mes intuitions, et je serai sage et avisée dans mes choix. Ainsi soit-il !

10. J’honore l’énergie de la vigne, l’essence végétale de la convivialité et des célébrations. Je m’aimerai moi-même et célébrerai la vie, en ne percevant pas les choix que j’ai faits comme des privations, mais comme des cadeaux. Ainsi soit-il !

11. J’honore l’énergie du lierre, la spirale qui mène au centre. Tout ce que j’accomplirai, je le ferai parce que c’est mon désir propre et profond. Je serai à l’écoute de moi-même et resterai équilibrée et centrée pendant que j’effectue ce travail. Ainsi soit-il !

12. J’honore l’énergie du roseau, l’outil de la chasse. Je prendrai des mesures directes lorsqu’il sera nécessaire de me protéger, notamment en « tuant » les anciens schémas de pensée, les amitiés et les relations qui me nuisent. Ainsi soit-il !

13. J’honore l’énergie du sureau, qui voit la fin depuis le commencement. Je suis ici depuis de nombreuses vies. Je sais que je me suis transformée, encore et encore. Je partirai de là où je suis et persisterai sur ma voie. Je réussirai. Ainsi soit-il !

Comme vous le voyez, l’objectif païen ne consiste pas à abandonner ses responsabilités à un pouvoir supérieur, mais à les assumer et à faire des choix appropriés pour la déesse (que vous êtes !)

N’hésitez pas à effectuer des changements dans ce document, à votre guise.

Reconnaitre l’aulne pendant la lune de l’aulne

Pour ceux qui cherchent à reconnaitre l’aulne glutineux pendant la lune de cet arbre dans notre tradition, voici à quoi il ressemble actuellement (les photos ont été prises hier, le 8 mars, et en moyenne montagne, dans le centre de la France).

Il ne porte pas encore de feuilles mais on peut voir sur ses branches les chatons mâles et femelles (les chatons longs sont les mâles, ils viennent de fleurir, et les femelles sont les petites choses pourpres à côté), ainsi que les fruits (strobiles) de l’an dernier qui ressemblent à des pommes de pin miniatures. Il y a aussi des bourgeons bien sûr, d’un brun foncé violacé.

Sa floraison commence en février et s’étend jusqu’en avril. Il peut pousser jusqu’à 20 ou 30 m et atteindre l’âge vénérable d’une centaine d’années (voire 150 ans.) Chez moi, ce sont essentiellement des arbres de taille moyenne et rarement isolés de leurs semblables.

Cherchez-le à proximité d’un cours d’eau ou carrément les pieds dans l’eau, c’est ce qu’il préfère.

Pour voir sa silhouette, suivez ce lien (bien qu’il ait été élagué sur un côté, je n’ai pas trouvé de meilleure photo sur le net pour le reconnaitre en cette saison.)



Tradition Faerie Faith : Comprendre les « Arbres », l’Aulne

L’Aulne

Extrait de la thèse : The Faerie Faith and the Beth-Luis-Nion Celtic Lunar Tree Calendar par James Clifford Landis. Traduction et adaptation : Fleur de Sureau.

L’aulne est le quatrième arbre de l’année. Son nom gaélique est Fearn (prononcé à l’anglaise « Fair un »).

Le glyphe pour l’aulne est « je suis une larme étincelante du Soleil. »

• Utilisations de la plante et Folklore

L’aulne a été utilisé pour ses propriétés toniques et astringentes. « La décoction de l’écorce est utile pour baigner gonflements et inflammations, en particulier au niveau de la gorge, et elle est réputée soigner la fièvre » (Grieve 18).

Selon une superstition du comté du Worcestershire, en Angleterre, porter des morceaux d’aulne sur soi préserverait des rhumatismes. Tandis qu’on utilisait beaucoup ses « boutons noirs », le fruit de l’aulne, pour décorer les puits et sources, il s’agissait d’un rite nommé « well dressing » qui permettait d’honorer une source (ou son esprit ou, plus tard, son saint) afin que son eau ne tarisse pas (Vickery 2, 388).

« Malvhina Well – 2007 Well Dressing, by Bob Embleton.

• Mythologie et Symboles

L’aulne est le pont entre l’eau et le feu, la mer et la terre, l’hiver et le printemps. L’aulne ne pourrit pratiquement pas dans l’eau et c’est pourquoi il était utilisé pour soutenir les bâtiments, comme pilotis. « Le Rialto, à Venise, repose sur des pilotis d’aune, de même que plusieurs cathédrales médiévales. » (Graves 170). Il servait également à la construction de ponts, de chaussées et de conduites d’eau.

L’Aulne est étroitement lié au feu, même si c’est un combustible médiocre, il constitue le meilleur des charbons de bois. Dans certaines régions d’Irlande, abattre un aulne sacré amenait comme châtiment la destruction de sa maison par le feu. « L’aulne est l’arbre du feu, le pouvoir du feu de libérer la terre de l’eau. » (Graves 171).

Ce lien avec le feu apparaît dans le fait que l’équinoxe de printemps tombe toujours pendant la Lune de l’Aulne. L’équinoxe de printemps est un pont qui éloigne l’année des froides inondations de l’hiver et la conduit à la tiédeur du printemps. L’aulne était, « Fearineus, le dieu du printemps auquel on offrait des sacrifices sur le mont Cronien à Olympe, à l’équinoxe du printemps » (Graves 172).

L’aulne est associé à quatre couleurs. La pourpre est la couleur de la royauté et le Roi des Aulnes (Féerie) tire son nom de cet arbre. Le rouge est la couleur du feu, ainsi que celle du sang. Lorsqu’un aulne est abattu, son écorce devient écarlate et semble saigner comme un homme. En outre, une teinture rouge peut être obtenue à partir de l’écorce. Une teinture verte peut être fabriquée à partir des fleurs, qui éclosent durant le mois de l’Aulne. Le vert est la couleur des vêtements des fées (les esprits de la nature). Une teinture brune est obtenue à partir des rameaux de l’aulne, le brun étant la couleur de la terre dans laquelle pousse l’aulne.

• Énergies

Enfin, l’aulne amène le temps des naissances. Le printemps arrive et les projets élaborés lors de la première lune peuvent maintenant aller de l’avant. Et en même temps, ce peut être une période douloureuse. Avec la naissance des choses nouvelles vient la destruction des anciennes. Le glyphe de l’Aulne « je suis une larme brillante du Soleil » est comparable à l’adage « toute naissance digne de ce nom s’accompagne toujours de larmes. » Avec l’arrivée du soleil à l’équinoxe de printemps, nous donnons naissance à nos projets. Pourtant, cette période peut être marquée par les doutes, la confusion, la dépression et le chagrin. La dépression post-partum est commune et de façon semblable, beaucoup sont déprimés après avoir accouché de leurs projets, car ceux-ci pourraient très bien ne pas donner les résultats escomptés.

Pendant [la lune de] l’Aulne, l’étudiante doit apprendre l’équilibre. Les quatre couleurs de l’aulne enseignent à l’étudiante la révérence, l’harmonie et l’équilibre. Ces leçons doivent être acquises bien avant la seconde moitié de l’année (Kerr, ‘Lunar’.)

Dame Abonde

Fleur de Sureau pour le coven Ignis Daemonis. Dans le cadre du cours sur Iphin (2016).

Pour l’époque des Premières Récoltes, notre aînée Mut Danu, dans son livre The Tree Mothers, nous oriente vers la Déesse Habondia. A partir de ce nom, j’ai effectué des recherches sur internet pour trouver des ressources bibliographiques, je suis tombée essentiellement sur des inventions modernes. J’ai donc choisi de partir sur l’idée d’une divinité liée à l’abondance issue de l’Antiquité.

Et dans le panthéon romain, j’ai découvert la Déesse Abondance.

Dans le contexte du culte impérial de la Rome Antique, Abondance (notez bien : Abundantia en latin) est la personnification allégorique de l’abondance et de la prospérité. La déesse Abondance incarne l’une de ces nombreuses « vertus » associées aux empereurs déifiés. Elle est souvent confondue avec Annone (Annona) qui présidait aux vivres, au produit de la récolte annuelle. Ces deux-là sont inspirées de déesses plus anciennes, notamment de Cérès (Ceres), la déesse de l’agriculture et des moissons, dont elles partagent les attributs : corne d’abondance, épis de blé, etc. Il existe une différence subtile entre Annone et Abondance. La première semble concernée les distributions publiques de nourriture, de provisions de grain de l’année, alors que la seconde concerne également l’argent.

Mais ce nom, « Habondia » d’où sort-il ?

Le dictionnaire Littré nous apprend qu’Abonde, ou plus précisément Dame Abonde, est la principale des fées bienfaisantes. Du bas latin, abundia.

Nous y voilà. Dame Abundia. Habondia. La Fée Abonde.

Avec ces mots-clefs, j’ai trouvé une infinité de textes qui s’accordent tous à dire, en résumé, que :

Dame Habonde est à la tête de troupes féminines qui parcourent l’espace de nuit et visitent maisons et celliers. Sur la table, on dispose à leur intention mets et boissons, qui ne doivent être ni couverts ni bouchés. Si ces femmes que l’on nomme Bonnes Dames ou Dames de la Nuit, c’est-à-dire des Fées, des créatures féeriques, trouvent la table bien servie, l’endroit bien propre, elles mangent le festin sans pour autant en diminuer la quantité et en contrepartie apportent abondance et bonheur à la maisonnée. Dans le cas contraire, « l’abondance quitte la demeure » au sens propre comme au figuré !

Durant le moyen-âge, il existe de nombreuses légendes à propos de cohortes nocturnes menées par un Esprit féminin : Dame Abonde, mais aussi Diane1, Hérodiade et encore, chez les Allemands, Holda (la « bienveillante »).

Notons tout de même qu’entre la déesse romaine Abondance issue du culte impérial et la fée Abonde, nous avons effectué un saut dans le temps de mille ans. Et il est d’ailleurs plus que probable que le seul lien qui les rattache l’une à l’autre ne réside qu’en leur nom.

L’un des plus anciens écrits à notre connaissance à propos de Dame Abonde date du XIII e siècle. Guillaume d’Auvergne (1190-1249), évêque de Paris, dans Opera Omnia (Paris 1674, tome I, page 1036, col. 2) évoque des esprits féminins bienfaisants :

« […] Il en va de même du démon qui, sous l’apparence d’une femme, visite la nuit, en compagnie d’autres, dit‐on, les maisons et les celliers. On le nomme Satia, d’après ‘satiété’, et aussi Dame Abonde, à cause de l’abondance qu’on dit qu’il confère aux maisons qu’il aura visitées. C’est ce genre de démon que les vieilles appellent ‘les Dames‘, à propos desquelles elles entretiennent cette erreur à laquelle elles sont les seules à croire et dont elles rêvent. Elles disent que les dames usent de la nourriture et des boissons qu’elles trouvent dans les maisons sans toutefois les consommer entièrement, ni même en diminuer la quantité, surtout si les récipients qui contiennent les mets sont découverts, et si ceux qui renferment les boissons ne sont pas bouchés2, quand on leur laisse pour la nuit. Mais si elles trouvent ces récipients couverts, fermés ou encore bouchés, elles ne touchent ni aux mets, ni aux boissons, et c’est la raison pour laquelle les dames abandonnent ces maisons au malheur et à l’infortune sans leur conférer satiété ni abondance. […] »

« […] En ce qui concerne les véritables personnes qui apparaissent la nuit dans les maisons et dont la plus importante d’entre elles est nommée « Abonde » en raison de l’abondance de biens qu’elle est supposée apporter dans les maisons qu’elle fréquente, elles n’ont jamais été vues, pas plus qu’elles n’ont été entendues. C’est ainsi qu’on voit jusqu’où va la bêtise des hommes et la déraison des vieux qui laissent des récipients d’aliments et des vases de vin ouverts et ne ferment aucun passage à ceux qui visitent les maisons la nuit. Ils laissent en évidence boissons et nourriture que les visiteurs peuvent s’approprier sans difficulté et selon leur bon plaisir. […] »

Dans le Roman de la Rose, il est également fait mention de Dame Habonde. Il s’agit d’une œuvre poétique datant du XIIIe siècle, écrite par Guillaume de Lorris et Jean de Meung.

« Bien des gens sont trompés par leurs sens et croient être des sorcières (estries) errant avec Dame Habonde : « Ils disent que, par tout le monde, le tiers des enfants de la nation sont de cette condition et partent, trois fois la semaine, là où le destin les mène », entrent dans les maisons, car ni barres ni clés ne les arrêtent, et ils pénètrent par les chatières et les fentes : leur âme quitte leur corps (se partent des corps les âmes) et ils accompagnent les Bonnes Dames en d’autres lieux et dans les maisons alors que leurs corps reste sur leur lit. »

Cette table d’offrandes que l’on dresse la nuit est un rituel qui a pour but de rendre favorable une divinité que l’on désire honorer. C’est un type de rituel qui semble remonter à des temps plus anciens et dont nous possédons au moins deux traces antérieures au XIII e siècle.

Au VII e siècle, dans La Vie de Saint Éloi, écrit par Saint Ouen de Rouen, le prédicateur interdit aux croyants de préparer les tables pendant la nuit, sans préciser cependant à l’attention de qui on les dresse.

Au XI e siècle, Burchard de Worms dans son Decretum réitère cette interdiction. D’après Cyrille Vogel, Le Pécheur et la pénitence au Moyen Age, Paris, Cerf, 1969, p. 105 :

« 153. As-tu agi comme certaines femmes à certaines époques de l’année : quand elles préparent la table, les aliments et la boisson, elles placent trois couteaux sur la table pour que les trois sœurs que les anciens dans leur sottise ont appelé les Parques puissent se restaurer. Ces femmes dénient la puissance à la bonté divine et l’attribuent au diable ! As-tu cru que ces trois sœurs, comme tu dis, pouvaient t’être de quelques secours maintenant ou plus tard ? Si oui : 1 an de jeûne au pain et à l’eau, aux jours officiels. »

Claude Lecouteux établit même un lien entre ces tables nocturnes d’offrandes et un rite romain lié aux ancêtres dans son livre Chasses infernales et cohortes de la nuit au Moyen Age :

« Le passage de cette cohorte de femmes est lié à un rite de troisième fonction et relève des augures : si les visiteuses sont satisfaites des nourritures offertes, elles apportent à la demeure prospérité et fécondité. A l’arrière-plan se dessine donc un rite calendaire appartenant à la mythologie des commencements : ce qui arrive à cette date préfigure ce que sera l’an neuf. Le rite reçoit une signification plus grande si l’on sait qu’il est déjà attesté chez les romains. Dresser une table cette époque de l’année est un rite religieux lié au culte des ancêtres, car les morts sont les dispensateurs de la fertilité du sol et de la fécondité des hommes et des bêtes : à Rome, la table portait le nom de « tables des âmes » ou « des défunts ». »

Dame Habonde passe-t-elle dans les maisons uniquement aux alentours du Solstice d’Hiver, durant les 12 nuits ou lors des Calendes de Janvier ? Je ne suis pas vraiment parvenue à trouver des indices si ce n’est dans un texte du XV e siècle, Thesaurus pauperum de 1468, qui établit un lien entre Abonde, Satia et Percht :

« Le second type de superstition, une sorte d’idolâtrie, est celle de ceux qui, la nuit, exposent ouverts des récipients remplis de nourriture et de boisson destinées aux dames qui doivent venir, dame Abonde et Satia, que le vulgaire désigne communément et couramment du nom de dame Percht ou Perchtum, cette dame venant avec sa troupe. Ceci, pour qu’elles trouvent ouverts tous objets tenant à la nourriture et à la boisson, afin que, par la suite, elles les remplissent et les accordent richement et en plus grande abondance. Beaucoup croient que c’est pendant les nuits saintes, entre la naissance de Jésus et la nuit de l’épiphanie, que ces dames, à la tête desquelles est dame Perchta, visitent leurs demeures. Nombreux sont ceux qui, au cours de ces nuits, exposent sur les tables pain, fromage, lait, viandes, œufs, vin, eau et denrées de cette sorte, de même que cuillers, plats, coupes, couteaux et autres objets semblables, en vue de la visite de dame Perchta et de sa troupe, pour qu’elles y trouvent agrément et que, par conséquent, elles soient propices à la prospérité de la demeure et à la conduite des affaires temporelles.»

Cette table nocturne d’offrandes semble ainsi faire partie d’un ensemble de croyances et de pratiques propitiatoires et de fertilité liées notamment aux moments charnières du cycle solaire. A travers elles, on cherche à attirer les bénédictions d’esprits bienveillants : c’est-à-dire à attirer l’abondance, la fécondité, la générosité et le renouvellement des fruits de la terre.

***

Sources :

    • Claude Lecouteux. Chasses infernales et cohortes de la nuit au Moyen Age. Éditions Imago, 2013.
    • Stamatios Zochios. Le cauchemar mythique : Étude morphologique de l’oppression nocturne dans les textes médiévaux et les croyances populaires. Littérature. Université Grenoble Alpes, 2012. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01211444/document
    • Littré, Émile. Dictionnaire de la langue française. Paris, L. Hachette, 1873-1874. Version électronique crée par François Gannaz. http://www.littre.org
    • Guillaume d’Auvergne. Opera Omnia. Paris, 1674.
    • Dictionnaire universel françois et latin : contenant la signification et la définition… des mots de l’une et de l’autre langue… la description de toutes les choses naturelles… l’explication de tout ce que renferment les sciences et les arts…. Tome 5. T-Zupain. ÉditeursF. Delaulne (Trévoux), H. Foucault (Paris), M. Clousier. 1721. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50966d
    • Mangeart, Thomas. Introduction à la science des médailles… ouvrage propre à servir de supplément à « l’Antiquité expliquée » par Dom Montfaucon. Par Dom Thomas Mangeart. Jacquin, Armand-Pierre (1721-1780). Éditeurd’Houry (Paris). 1763. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1041707w#
    • Guillaume de Lorris et Jean de Meung. Le Roman de la Rose. Tome 2. Édition faite sur celle de Lenglet-Dufresnoy, corrigée avec soin et enrichie de la dissertation sur les auteurs… de l’analyse, des variantes et du glossaire publiés en 1737 par J.-B. Lantin de Damerey. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65092264
    • Saint Ouen de Rouen. Vie de saint Éloi, évêque de Noyon et de Tournai. précédée d’une introduction et suivie d’une monographie de l’abbaye du Mont-Saint-Éloi (2e édition, ornée de deux belles gravures sur acier) ; traduite et annotée par M. l’abbé Parenty. ÉditeurJ. Lefort (Lille), 1870. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102695k

1 Pour Claude Lecouteux (cf. Chasses infernales et cohortes de la nuit au Moyen Age), Diana n’est pas la Diane romaine mais, s’appuyant sur Martin de Braga, suppose qu’il s’agisse de la « déesse sylvestre et champêtre adorée par les paysans du Ve-Vie siècle ». Il évoque une possible confusion entre la Diane antique et la Di Ana, déesse celtique, aussi appelée Anu.

2 Pour Claude Lecouteux, nous sommes en présence d’une coutume païenne car la Bible dit : « Le récipient qui n’aura pas été fermé par un couvercle ou un lien sera impur. »

Peinture : The fairy banquet (le banquet des fées), peinture de John Anster Fitzgerald, 1859.