Par Margot Adler. Extrait de Drawing down the moon. Traduction et adaptation : Fleur de Sureau
[…] Dans ce pays, un autre courant Dianique est né à Dallas avec le Covenstead dianique de la prêtresse Morgan McFarland. Cette tradition exalte le féminin mais n’exclut pas les hommes du culte. Lorsque j’ai rendu visite à Morgan McFarland en 1976, elle était la prêtresse de trois covens, dont un exclusivement féminin.
Dans ce courant de la tradition, la Déesse est vue comme possédant trois aspects : la Vierge-Créatrice, la Grande-Mère et la Vieille Femme qui garde les portes de la mort et de la renaissance. C’est sous son second aspect que la Déesse prend un consort masculin, qui est semblable à Osiris pour Isis. Pour présenter cette relation, les Dianiques citent une phrase attribuée à Bachofen : « Immortelle est Isis, mais mortel est son époux, tout comme la création terrestre qu’il représente. » Ainsi il y a une place pour le Dieu, mais la femme en tant que Créatrice est primordiale. Les Dianiques voient également la Déesse symbolisée dans la nature comme la Triple Créatrice : comme la lune, la Reine des Mystères ; comme le soleil, Sunna, la Reine des Etoiles, pourvoyeuse de chaleur et de soins ; et comme la Terre Mère, à qui tout doit retourner.
Mark Roberts, qui était le partenaire de McFarland jusqu’en 1978, m’expliqua que les Dianiques sont également panthéistes, puisqu’ils reconnaissent le caractère sacré de tout ce qui existe. Mais, dit-il :
“La Déesse est la pierre angulaire de cette planète et ce cycle de vie. »
Et à cette période, Mark et Morgan semblaient être (de tout ceux que j’ai interviewés) les plus concernés par le sort écologique de la planète. Dans The New Broom, une ancienne revue dianique, Roberts écrivait qu’il y a moins de différence entre un « mortel » et une « déité » qu’entre ceux qui ont perdu le contact avec la nature et ceux dont les rythmes et le pouls sont en phase avec l’univers.
Il écrivait également :
Le style de vie d’un Dianique est un composite de trois valeurs et idéaux. Premièrement, une conscience de soi. Deuxièmement, une relation (ndlt : un lien de parentèle) à la nature croissante et en perpétuelle expansion. Et troisièmement, une franche sensibilité aux pulsations du cosmos. A mesure que nous approchons des objectifs communs de conscience, du rétablissement d’un lien intime (ndlt : kinship, parenté) et de sensibilité, nous atteignons un niveau d’harmonisation que les outsiders appellent « magie ». Nous sommes bien conscients qu’avec nos travaux nous n’avons rien accompli, ni produit de surnaturel : nous avons simplement atteint notre niveau de capacité naturelle.
Dans une société obsédée par l’artificialité, notre style de vie semble étrange, « contre nature », même révolutionnaire…
Et nous sommes révolutionnaires : en ce sens que nous tournons autour de l’axe qui est la Déesse et nous parachevons le cycle qui voit son culte revenir en force ; et nous sommes les partisans d’un changement drastique et radical d’un monde destructeur, fou dangereux et pêle-mêle dans lequel nous nous trouvons ; et en cela, à une ère technologique où les avancées mécaniques ont des conséquences de plus en plus lourdes sur la sensibilité humaine, nous exerçons notre sens du réveil, à un niveau de conscience qui libère l’humain pour qu’il redevienne entier, indépendant et alerte. Dans une culture patriarcale qui devient de plus en plus autoritaire, nous n’avons pas d’autre choix que de nous placer en rebelles contre la déshumanisation… [Mark Roberts, “An Introduction to Dianic Witchcraft,” non publié Ms., Chap. VI, pp. 1–2.]
En rapport avec ces principes, le Dianic Covenstead possède une série très efficace d’exercices et de techniques pour recouvrer le lien de parentèle et l’harmonie avec la nature.
L’origine du Dianic Covenstead à Dallas remonte à environ quarante ans. Morgan McFarland, fille d’un pasteur, a vécu une partie de sa jeunesse en Orient puis s’est installée dans le Sud des Etats-Unis. Là-bas, elle fut formée au sein d’un coven sorcier. Ce coven ne possédait pas de nom pour sa tradition, l’appelant simplement Witchcraft (ndlt : Sorcellerie). Elle adopta le terme « Dianique » plus tard. Les rituels de ce coven mettait un accent particulièrement sur la lune, étaient très « Gravesiens » (ndlt : référence à Robert Graves et son livre la Déesse Blanche). Ils se focalisaient sur les mythes, les connaissances traditionnelles et les mystères derrière chacun des treize mois lunaires, ainsi que leur lien avec l’alphabet des arbres Beth-Luis-Nion de l’ancienne Grande-Bretagne.
Alors qu’hommes et femmes peuvent être initiés, les femmes qui ont fait l’expérience des rituels de chacun des mois lunaires peuvent passer par cinq rituels de « passage » supplémentaires. Après cela, elles peuvent partir (ndlt : hive off, essaimer, quitter la ruche, se séparer) et fonder leurs propres covens.
J’ai posé à Mark l’évidente question : comment est-ce d’être prêtre au sein d’une tradition si fortement matriarcale. Il a répondu :
“Je préfère être second d’un solide navire que capitaine sur un navire dont la coque est pourrie et qui est en train de couler. Comme l’est le patriarcat.”
J’ai demandé à Morgan de parler de ses sentiments à propos des différences entre ses deux covens, le mixte et celui qui ne l’est pas. Elle me répondit :
“Nous avons constaté que les femmes qui travaillent ensemble sont capables de conjurer leur passé et réveiller leur ancienne prédominance. Elles sont capables de recoller de nombreuses pièces. Cela ne semble pas se produire quand les hommes sont présents. Peut-être que c’est un comportement social. Il semble que les covens mixtes, peu importe à quel point les femmes sont « féministes », suscite une sorte de compétition. Dans le coven de femmes, rien de tout cela ne se produit et une grande réciprocité se développe, contrairement à tout ce que j’ai pu voir auparavant. ”
Morgan McFarland a été femme au foyer, une conférencière sur le féminisme et la Witchcraft, propriétaire d’une petite entreprise de plantes et paniers et une femme grimpant les échelons d’une grande entreprise. Elle a deux enfants. J’ai passé une semaine avec Morgan et Mark durant la période où ils travaillaient ensemble. Je les ai trouvés plein d’entrain, spontanés et formidables.
Leurs cercles étaient essentiellement des célébrations. Comme Mark l’a écrit dans The New Broom :
Nous pratiquons la guérison et la catoptromancie, nous gérons les problèmes et mettons en place des mesures de protection, mais la majorité des rituels du coven sont destinés à honorer et adorer la Déesse, et à ce qu’Elle entre en contact avec nous et inversement. L’esprit protecteur de nos cercles consiste davantage à nous protéger du 20ème siècle que des forces malveillantes. Nos cercles sont un havre pour nous préserver du présent, qui nous libèrent pour revenir dans le passé et restaurer notre ancienne harmonie avec la nature. [Mark Roberts, “The Dianic Aspects,” The New Broom, Vol. I, No. 2 (Candlemas, 1973), 17.]
Dans le cercle, tous étaient égaux, en dépit du côté « féministe », et on y laissait beaucoup de place à l’innovation pour les rituels, outils, habits (ou leur absence), l’envergure et la structure. En 2005, Morgan McFarland explique qu’elle observe la nouvelle génération de Dianiques d’un point de vue extérieur. Elle ne dirige plus de coven et se décrit elle-même comme une matriarche solitaire. Mais il existe de nombreux bosquets et covens qui perpétuent son travail.